Représentation

CNR Post-émeutes : la Présidente de l’Unaf, invitée à s’exprimer à Matignon 

Le 4 octobre 2023, la Présidente de l'Unaf, Marie-Andrée Blanc, a été invitée par la Première ministre, à s'exprimer lors d'un CNR post-émeutes qui s'est tenu à Matignon. Dans son intervention, l'Unaf a insisté sur la nécessité d'accompagner les parents pour exercer leurs responsabilités. Elle a souligné le rôle des pères et la nécessité de préserver les liens familiaux après une séparation. Elle a plaidé pour que la médiation familiale et les espaces de rencontre bénéficient de moyens supplémentaires et pour un plus grand soutien inscrit dans la durée et simplifié auprès des associations de terrain, souvent animées par les parents eux-mêmes.

Intervention de la Présidente de l’Unaf lors du CNR du 5 octobre 2023 « Post-émeutes »

Les familles « monoparentales »

Quelques remarques. On a beaucoup parlé des « familles monoparentales », de la sur-représentation d’émeutiers issus de ces familles.

Il faut rappeler que la réalité de ces familles est très hétérogène : être classé statistiquement comme famille monoparentale ne signifie pas forcément que toute la charge éducative repose sur un seul parent.

Donner une place aux pères

On a déploré l’absence des pères lors des émeutes, mais se préoccupe-t-on suffisamment de leur donner une place ?

Nos enquêtes ont montré une envie d’implication de nombreux pères, mais aussi leurs difficultés pour exercer leur paternité : contraintes professionnelles, faible reconnaissance de leur rôle dans les institutions comme l’école, la Justice. La moitié d’entre eux ont le sentiment que la société donne moins d’importance au rôle du père qu’à celui de la mère : c’est particulièrement le cas pour les hommes peu diplômés ou sans emploi, ainsi que les employés et ouvriers.

En cas de séparation, comment permet-on aux deux parents de conserver leur statut de parent ?

A travers un dispositif d’intermédiation des pensions alimentaires, beaucoup a été fait pour contraindre les pères à acquitter leurs obligations. C’est une réponse importante mais un père, ce n’est pas seulement un pourvoyeur financier !

Selon une étude de la DREES, un quart des jeunes adultes, dont les parents se sont séparés durant leur enfance, ont perdu tout lien avec leur père.

On ne se préoccupe pas assez de la préservation des liens familiaux post-séparation.

 La question du bien-être des enfants, de leur droit à garder un lien avec leurs deux parents, devrait être traitée de manière prioritaire, hormis bien sûr les situations dans lesquelles ce lien  serait contraire à l’intérêt de l’enfant.

Concrètement, les « espaces de rencontre », qui permettent aux pères en grandes difficultés de voir leur enfant, suite à des décisions de justice, ferment les uns après les autres, faute de financements, avec un allongement important des délais d’attente aux dépens des familles.

Prenons aussi la médiation familiale qui n’est pas assez connue et soutenue, alors qu’elle permet d’apaiser les conflits et de s’accorder sur l’éducation et l’organisation de la vie de l’enfant ! La profession de médiateur familial, qui souffre d’un manque d’attractivité et de faibles rémunérations, doit être revalorisée.

Une véritable politique publique de maintien des liens entre enfants et parents mérite d’être conduite.

La place des adultes et des parents : soutenir les associations de terrain

Face à la multiplicité de messages contradictoires sur ce que doit être « le bon parent » les parents ne comprennent plus très bien ce qu’on attend d’eux, de quels moyens ils disposent pour exercer leur autorité…

Pour l’Unaf, il faut – certes – rappeler aux parents leurs devoirs, mais il faut aussi les accompagner pour exercer leurs responsabilités.

Beaucoup de témoignages montrent que les associations de terrain souvent animées par des parents eux-mêmes,  ont été abandonnées au profit de dispositifs de plus grande taille, issus d’appels à projets, d’acteurs rompus à l’exercice du remplissage d’indicateurs, de l’évaluation d’impact…bref d’une vision du social très standardisée qui ne fait pas suffisamment confiance aux acteurs de proximité et aux parents.

Et pourtant leur rôle est essentiel pour atteindre les parents en difficultés, les jeunes. Dans le temps, ils permettent aux habitants de se saisir de leur destinée et de celle de leur quartier.

Plutôt que de cibler sur l’innovation permanente, donnons à ces associations une pérennité de financement et de soutien, par exemple des engagements sur 6 ou 7 ans qui leur permettront d’agir dans le temps.

Allégeons les formalités administratives pour que leur temps soit majoritairement consacré à être auprès des parents. Trouver des parents-relais au sein des quartiers, tisser un lien de confiance avec les familles…tout cela prend du temps.

Un mot sur l’école

La difficulté pour les parents d’assurer le suivi scolaire de leurs enfants contribue à les déposséder de leur autorité en matière éducative. Resserrer les liens entre l’institution scolaire, notamment le collège, et les parents, est un levier de réussite pour les enfants.

Enfin, il est évident que le « métier » de parent est percuté par l’ampleur des réseaux sociaux qui viennent brouiller et concurrencer les messages éducatifs des parents.

Même si les parents en sont eux-mêmes très consommateurs, ils ont besoin d’un soutien pour développer l’esprit critique de leur enfant, face aux influences extérieures, aux algorithmes, aux fausses informations et aux effets de groupe.

Le rôle des plate-formes et réseaux sociaux lors des émeutes, oblige à être plus exigeant et contraignant quant à leur responsabilité.  En cas de défaillance de leur part, les autorités – les juges, les régulateurs, les pouvoirs publics – doivent prendre, sans état d’âme, les mesures qui s’imposent. Il y va de la protection de tous.